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FIER de servir les Canadiens et les Canadiennes? La fierté du personnel de la fonction publique « en mange une sacrée… »

Je me demande combien d’employés gouvernementaux ont de la difficulté à s’identifier au slogan de la Semaine nationale de la fonction publique 2012 lancée par le Conseil du Trésor : « Fier de servir les Canadiens et les Canadiennes »?

Ce n’est sûrement pas parce qu’ils ne se sentent pas au service du public canadien. Ce n’est pas non plus parce qu’ils se moquent de leur travail, ni parce qu’ils ne sont pas dédiés à leurs tâches. Et ce n’est certainement pas parce qu’ils font mal leur emploi…

Je constate que la plupart des membres de la fonction publique se présentent à l’ouvrage chaque jour et travaillent 7,5 heures par jour (voire plus) et qu’ils participent aux activités dans leur communauté après les heures de travail et durant les week-ends. Ils font tout cela en toutes modestie et humilité et ils sont heureux de pouvoir apporter leur contribution. Ils respectent les normes élevées en vigueur dans leurs domaines et ils font quotidiennement preuve d’un grand professionnalisme, et parfois même dans des conditions dangereuses et risquées. Les gens à l’emploi du gouvernement fédéral devraient éprouver légitimement un grand sentiment de fierté.

Les fonctionnaires sont toutefois devenus les victimes de critiques incessantes et non fondées des médias et du public en général. L’image négative du fonctionnaire paresseux, jouissant de privilèges outrageants et peu productif, abusant du système, est véhiculée de nombreuses manières par l’employeur qui devrait justement soutenir et motiver sa main d’oeuvre. C’est décourageant. À titre de présidente de la Section locale 70713, je suis en première ligne pour constater le prix exigé par cette situation à l’estime de soi et à la fierté de nos membres, ainsi que des effets négatifs sur le moral de ces employés travailleurs et voués à leurs tâches.

Absentéisme et congés pour cause de maladie

Cette année, dès le premier jour de la Semaine nationale de la fonction publique, l’employeur a choisi d’annoncer des mesures visant à résoudre l’absentéisme, les congés pour raisons médicales et le rendement de son personnel. À part qu’il s’agit d’un choix dénué de toute sensibilité quant au moment choisi pour l’annonce, le problème éprouvé par un grand nombre d’entre nous est de se sentir accusé d’utilisation de jours de congé pour raison médiale et de profiter du « système » (autant d’accusations qui ne sont pas étayées par des preuves et qui sont renforcées par des statistiques tendancieuses). Bien que nos chefs syndicaux continuent à souligner les points qui démentent ces accusations, les faits continuent à être cachés et non reconnus.

CONGÉS POUR RAISON MÉDICALE : LA DIFFÉRENCE ENTRE LES SECTEURS PRIVÉ ET PUBLIC est INSIGNIFIANTE

L’affirmation selon laquelle les fonctionnaires utilisent trop de jours de congé pour raison médicale est fausse. D’ailleurs, Statistique Canada confirme la position de l’AFPC. Des chercheurs de Statistiques Canada ont récemment comparé les absentéismes dans le secteur privé à celui dans le secteur public. Ils sont arrivés à la conclusion qu’à toutes choses égales (âge, sexe, syndicalisation), que la différence du taux d’absentéisme entre le secteur public et le secteur privé est pratiquement nulle. En effet, comme je le dis souvent, les jours de congé pour raison médicale du service public sont des jours de congé gérés.

En faisant reposer le blâme directement sur les épaules des fonctionnaires travaillants, nous assistons ici au déploiement de tactiques causant la discorde, tout en détournant l’attention des scandales qui constituent pourtant les vrais enjeux du jour…

Voici quelques faits importants que j’aimerais souligner plaidant en faveur de notre défense collective :

1) Au cours des 10 dernières années, nos membres n’ont pas eu d’augmentation digne de ce nom qui dépassait le coût de la vie.

2) Les fonctionnaires ne disposent pas d’un nombre de jours de congé illimité pour raison médicale. Le nombre de jours de congé pour raison médicale qui sont offerts aux employés dans le cadre de nos ententes collectives a été négocié de bonne foi et est conforme au conditions contenues dans les négociations collectives. Tant les employés que les employeurs ont convenu de dispositions juridiques et de conditions stipulées dans nos contrats. Il est injuste d’accuser, de pointer et de critiquer les employés pour l’utilisation légitime de ces dispositions auxquelles ils ont d’ailleurs droit.

3) Le nombre de jours de congé pour raison médicale est limité au nombre de jours accumulés (sauf dans des circonstances exceptionnelles dont les modalités sont établies par la direction). L’employeur a le droit et l’obligation de vérifier l’utilisation des jours de congé et de demander une attestation médicale lorsqu’il pense que c’est nécessaire.

4) Les gestionnaires sont responsables de la surveillance des réserves de jours de congé des employés. Et si ces réserves sont sur le point d’être épuisées ou qu’elles ne sont pas bien gérées, c’est le gestionnaire qui, en fin de compte, est imputable plutôt que l’employé.

5) L’idée que la majorité des employés du gouvernement « se fait rembourser » les jours de congé pour raison médicale non utilisés avant de partir à la retraite est totalement fausse. La vérité est toute autre : la plupart des fonctionnaires quittent la fonction publique ou partent à la retraite avec des mois de jours de congé accumulés sans toucher aucune compensation. Ils sont d’ailleurs très heureux de ne pas avoir eu à les utiliser. Il est curieux qu’on ne parle jamais de ces chiffres-là…

Plans en vue de la « modernisation » de la gestion de l’incapacité au travail dans la fonction publique.

Il est important que nos membres soient conscients des propositions de changements aux modalités des jours de congé pour raison médicale et pour les jours de congé pour incapacité à court terme. Remettre la responsabilité de la gestion des jours de congé pour raison médicale et de convalescence à une compagnie d’assurance privée n’est pas une solution, même si certaines parties de l’actuel régime de congés pourraient être améliorées. À mon avis, la réponse réside dans la formation adéquate des gestionnaires, ce qui coûtera beaucoup moins cher aux contribuables.

Est-ce que les changements proposés vont aboutir à des économies pour les contribuables? Si vous me le demandez, je vous répondrai que la facture finit chaque fois par grossir lorsque l’on confie un dossier à une « organisation à but lucratif ».

Personne ne niera que les compagnies d’assurance veulent dégager des profits et je crains fort que ce changement se traduise par d’autres contrecoups pour nos membres les plus vulnérables. Il se pourrait très bien que nos membres malades aient à franchir le parcours du combattant au travers du dédale des processus de remboursement, sans qu’ils aient pour autant la garantie que leur demande soit acceptée. Je suis particulièrement inquiète pour les membres souffrant de symptômes précoces et non diagnostiqués de maladie mentale qui risquent de passer au travers des mailles du filet.

La sensibilisation grandissante aux symptômes des maladies mentales (dont le deuil compliqué) peut amener à un absentéisme chronique. Souvent, ces symptômes sont traités à coups de mesures disciplinaires croissantes alors qu’en réalité, les employés auraient besoin de l’appui de leur employeur en vue de traiter les causes sous-jacentes de leurs absences. Sous le nouveau régime, je crains que les demandes qui ne peuvent pas mentionner le diagnostic d’une maladie mentale précise (stress ou symptômes reliés à un traumatisme), soient refusées en invoquant la non-couverture par la police d’assurance des symptômes décrits. Seules certaines entreprises privées remettent la gestion des situations médicales temporaires ou les situations personnelles entre les mains d’une compagnie d’assurance. Dans les autres entreprises, les gestionnaires pourraient très bien gérer ce genre de situations moyennant une formation adéquate. Grâce à cette approche, les employés pourront retourner plus rapidement au travail et en meilleure santé, tout en étant reconnaissants pour l’aide et l’empathie. Ces situations sont mieux gérées par l’employé, le docteur de famille et le gestionnaire à un coût beaucoup plus bas; c’est ce que je crois en mon for intérieur.

Je pense que le système actuel peut fonctionner; la clef de la réussite est d’assurer que les gestionnaires reçoivent une formation adéquate. Ainsi ils pourront mener une entrevue avec leur employé sur son absentéisme et ils pourront travailler avec lui à l’établissement d’un plan d’action qui le guiderait au travers de cette période difficile. Le gestionnaire doit connaître les possibilités qui s’offrent aux deux parties en vue de surmonter les obstacles qui se dresseront au cours de la période de transition.

Si l’employeur veut réellement investir en son personnel et le soutenir, la roue n’aura pas besoin d’être réinventée. En la réinventant, il va générer un transfert de millions de dollars à une entreprise qui n’est mue que par les profits et qui ne se soucie pas des gens.

Pour finir, voici quelques réflexions…

Quel est le prix à payer par le personnel de la fonction publique en raison de la façon de le dépeindre et en raison des nouvelles et inutiles règles imposées par l’employeur visant à régler des problèmes qui n’existent pas, ou pour régler des problèmes qui pourraient être résolus par un dialogue franc et l’application des lignes directrices existantes? Je n’ai jamais entendu parler d’un employeur réputé prétendre que son personnel abuse des congés et que son rendement est à ce point insuffisant, qu’il se sent contraint de légiférer pour créer de meilleures habitudes de travail et pour augmenter la productivité. Ce genre de gestion saperait le moral à un point tel que les employés auraient honte de parler de leur emploi (et sûrement pas avec fierté).

Toute la négativité qui est dirigée vers nos fonctionnaires cause des problèmes de santé mentale. Il y a un prix à payer pendant que nous continuons à être bombardés par cette négativité. Elle est injustifiée et elle n’est pas juste. Nous devons nous tenir debout et apporter notre soutien aux travailleurs de la fonction publique. Il est temps de modifier le « message » et de restaurer l’estime de soi et la fierté de tous les fonctionnaires au Canada.

Liens connexes

Un ancien membre de la fonction publique, ayant pris sa retraite depuis peu, déclare : « I’m proud of my public service career », article de Lloyd Kerry, Ottawa Citizen, 22 octobre 2013.

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